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Vortex polaire des USA possible sur l'Europe ?


Jean-Louis

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Bonjour à tous
 
Je vous propose l'interview de Christophe Cassou *1 (que l'on évoque sur ce forum avec Calou) au sujet du fameux vortex polaire qui produit cette vague hivernale marquée sur les States.
 
Comment expliquer la vague de froid qui s'abat sur l'Amérique du Nord ?

Christophe Cassou :
Ce phénomène s'explique par un déplacement du vortex polaire. Ce vortex est un régime de vents très violents (autour de 300 km/h), qui tournent dans le sens inversedes aiguilles d'une montre et circulent à 16 km d'altitude et autour de 60° de latitude. En temps normal, ce tourbillon maintient l'air froid au-dessus de l'Arctique. Le vortex est associé au Jet Stream, un bandeau de vents qui sépare l'air froid de l'air chaud à plus basse altitude (entre 8 et 12 km).

Quand le vortex polaire et le Jet Stream se renforcent, en hiver, ils peuvent présenter un caractère chaotique : ils forment des méandres qui peuvent descendre très au sud. En se déplaçant ainsi, ils laissent alors pénétrer l'air froid vers des latitudes moyennes. C'est ce qui se passe actuellement au-dessus des Etats-Unis : l'air froid plonge vers le sud à l'aval des Rocheuses jusqu'au golfe du Mexique, comme le montre cette carte de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) de lundi 6 janvier.

Le Jet Stream s'accompagne de dépressions sur sa « rive gauche » (que l'on retrouve actuellement sur le Québec et les Grands Lacs) et d'anticyclones, sur sa « rive droite », localisés au-dessus de la Californie et au large des côtes est des Etats-Unis. Tous ces mouvements de pression, de par leur intensité, renforcent le Jet Stream au centre et assurent une descente plus importante vers le sud du continent. A l'inverse, la France, et plus largement l'Europe, connaît actuellement un hiver doux dans la mesure où elle se situe sur la « rive droite » du méandre, du côté de l'air chaud.

Peut-on expliquer ces oscillations du vortex polaire ? Surviennent-elles fréquemment ?

C.C: On ne sait pas expliquer les causes de l'instabilité du vortex polaire et du Jet Stream. Mais ce mécanisme est un phénomène classique : il survient chaque année environ. En février-mars 2013, le vortex s'était ainsi déplacé sur le continent européen, ce qui avait également entraîné une période de grands froids. Les oscillations ont aussi lieu au-dessus de la Sibérie ou des océans.

Le caractère exceptionnel de ce mouvement du vortex réside davantage dans son intensité : cette fois, les vents sont très forts (jusqu'à 350 km/h) et les températures très froides (jusqu'à – 53 °C en température ressentie et – 35 °C en température réelle). On n'avait pas vu un tel phénomène depuis 1994 aux Etats-Unis.

Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique sur le vortex polaire ?

C.C: Sous l'effet du changement climatique, les latitudes polaires se réchauffent plus vite que les latitutes moyennes (Europe ou Etats-Unis par exemple). Les différences de températures entre l'Arctique et les latitudes moyennes vont donc diminuer, ce qui devrait affaiblir le vortex polaire. Sous l'effet de ce réchauffement, le vortex devrait également remonter un peu vers le Nord. La probabilité d'une vague de froid due à une oscillation du vortex, comme celle que connaissent les Etats-Unis, sera donc en théorie plus faible.

Mais dans le même temps, si le vortex polaire s'affaiblit d'ici la fin du siècle, il pourrait également laisser passer de petites descentes d'air arctique vers le sud. Au final, il n'y a pas de consensus scientifique sur la question. Fin de l'interview
*1 Christophe Cassou est climatologue, chercheur au CNRS toulousain, détaché au CERFACS (centre européen de recherche et de formation avancée en calculs scientifiques).
 


Très intéressant mais Christophe Cassou évoque l'effet de réchauffement accéléré des latitudes polaires, donc une différence de potentiel moindre entre arctique et latitudes moyennes induisant un affaiblissement du vortex polaire.
Mais un affaiblissement du vortex polaire induit il me semble un affaiblissement de ce fameux jet.
Un vortex polaire paraît "retenu" sur les pôles dès lors que son jet Stream est zonal puissant et peu sinusoidal.
Si le vortex s'affaiblit, le jet suivra et formera des "méandres d'intrusion polaire" ? Calou, ton avis ?
 
Pour terminer, une situation similaire directe et surtout aussi intense depuis l'Arctique sur l'ouest Européen paraît peu probable
Il y a en effet plus "d'espace maritime" entre l'arctique et l'Europe de l'ouest qu'entre le Canada et les Etats-Unis.
Chez nous, un tel phénomène peut arriver mais au nord, la mer relativement chaude (5 à 6 degrés même en hiver) réchauffe l'air froid qui devient le fameux "Polaire maritime" d'autrefois.
Par contre un épanchement de vortex entre Scandinavie et grande Russie serait à surveiller car plus conforme à nos hivers rigoureux.
 
http://img31.imageshack.us/img31/1429/dfce.jpg

http://img833.imageshack.us/img833/979/cdvr.jpg

Modifié par Jean-Louis
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Bonjour Jean-Louis,

 

Je te remercie pour ce rappel concernant le vortex polaire et le Jet Stream associé. Très intéressant pour mieux comprendre ce qui se produit actuellement en Amérique du Nord et au dessus de nos têtes !

 

Par contre, à propos de ton commentaire plus bas dans ton post, je ne comprends pas pourquoi en cas d'affaiblissement du vortex polaire (dû au changement climatique), le jet stream pourrait former des "méandres d'intrusion polaire".

Ce jet stream n'aurait-il pas à ce moment là une forme plus ou moins "rectiligne" au contraire sans caractère chaotique ?

 

Je ne suis pas un spécialiste en la matière, loin de là !

 

Bonne fin de semaine,

 

Laurent 

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Bonjour,

 

Merci Jean Louis de nous faire partager les éclairages de C Cassou, difficile exercice de vulgarisation teinté d’humilité lorsqu’il s’agit d’établir des corrélations entre le vortex stratosphérique et l’activité ondulatoire en troposphère.

Les ondes de Rossby ont une composante verticale qui permet à la troposphère et à la stratosphère d’interagir, une clé de la prévision encore à l’étude.

Les papiers ne manquent pas sur la question du forçage anthropique imposé aux modèles de climat.

Il en ressort un certain nombre de changements dans la circulation générale, mais la variabilité dans la panoplie des modèles laisse encore le débat ouvert, comme Cassou le laisse entendre.

Dans les grandes lignes, ce sont bien les fluctuations du jet et l’activité des ondes qui retiennent l’attention, car structurellement, le jet est piloté à la fois par la cellule de Hadley et par la convergence de quantité de mouvement et de chaleur aux moyennes latitudes, ce qui lui confère un aspect barocline (jet subtropical) et barotrope (rail des dépressions avec la conversion de l’énergie potentielle en énergie cinétique).

 

On constate déjà une diminution des gradients de température à la surface en hiver avec le réchauffement plus marqué de la zone arctique.

Globalement, les ensembles  montrent un déplacement des jets vers les pôles, mais également une augmentation de la hauteur de la tropopause ainsi qu’une augmentation de l’échelle spatiale des ondes, avec la conséquence de déstabiliser les grandes ondes et de stabiliser les petites ondes.

 

Concrètement, difficile d’en déduire comment le temps sensible va évoluer, à moins que ce changement soit déjà en cours (c’est une quasi certitude), mais l’ajustement va vers une évolution pas 'vraiment linéaire', car si les médias focalisent leur attention sur la vague de froid outre atlantique, rien sur l’anomalie chaude de décembre en Sibérie :pinch:

 

L’enjeu est de taille, il y a urgence à sensibiliser et communiquer à l’aide de réponses claires sur le réchauffement climatique, les conséquences économiques et sociétales sont intimement liées et pressantes.

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Bonsoir Laurent, bonsoir Calou, bonsoir à tous,

Je ne suis pas plus spécialiste que toi en la matière Laurent, par ailleurs les processus de comportement du vortex polaire, notamment son équilibre/déséquilibre, ne sont pas encore bien connus comme le signale également *1David Salas y Mélia qui ajoute:
« Il faut reconnaître que ce phénomène n'est pas très bien compris. Il existe plusieurs hypothèses. Le fait que le vortex soit un peu plus faible notamment. En effet, s'il tourne vite, l'air froid est relativement bien confiné au niveau de l'Arctique. Sinon, il s'échappe, et comme c'est le cas actuellement par exemple, il « coule » sur les Etats-Unis sous la forme d'un méandre de jet."
C'est le fameux méandre cité par David Salas y Mélia que j'évoquais plus haut

Si le vortex tourne vite, c'est qu'il y a un rapport de force établi dans la distribution hémisphérique air froid air chaud, plus le contraste sera marqué entre les hauts et bas géopotentiels, plus le jet sera  dynamique et équilibrera ce rapport de force par sa vitesse (forte différence de hauteurs de tropos).
C'est le cas généralement en hiver quand une majorité nord de notre émisphère est en fort déficit de rayonnement solaire (bilan radiatif au plus bas) et que les hauts géopotentiels sub tropicaux peinent à monter vers le nord, c'est là que se créent les grands REC déclencheurs de tempêtes

Si le rapport de force est plus faible, contraste moins marqué ou réparti sur une longue distance le jet sera moins dynanmique et favorisera les ondulations plus méridiennes et les advections (attention toutefois aux anomalies de tropo accompagnant les talwegs !)
C'est le cas parfois en hiver lors de ces épanchements d'air polaire dans les excroissances de vortex
au dessus de continents facilement "atteignables" (sans "isolant maritime" à traverser) depuis le pôle mais c'est plus généralement le cas en été sous un rayonnement solaire maximum avec cet équilibre chaud froid quasiment rompu allant jusqu'à la dispartion parfois totale du vortex polaire,
Là c'est l'air chaud qui gagne depuis les tropiques et qui en absence de jet marqué et contraignant développe de vastes massifs caniculaires qui prennent de l'anticyclonisme vers de hautes latitudes. (Respectivement l'inverse pour l'émisphère sud).


Merci Calou de souligner  la complexité de tous ces échanges d'énergie plus ou moins ondulatoires entre tropiques et pôles.
Mais il existe toute une série de jets qui délimitent ces étagements et qu'il est intéressant de se figurer en 3D, ainsi et entre autres jet du front polaire et jet du vortex polaire; parfois ils sont éloignés, parfois ils sont rapprochés, parfois ils se confondent...

*1 David Salas y Mélia  est responsable entre autres de l’équipe de recherche "Assemblage du Système-Terre et Etude des Rétroactions climatiques" (ASTER) au centre national de recherche météorologique CNRM.
Il Travaille sur la Modélisation du système climatique global, variabilité du climat des régions polaires

 

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