On voit les Pyrénées

[Bermul]

En provenance d'Ile de France, je suis installé à Colomiers depuis assez peu de temps. La façon dont on voit ou ne voit pas les Pyrénées depuis Colomiers me paraît déconcertante. Hier et ce matin elles sont très visibles alors qu'il me semble que les conditions ont peu changé par rapport à toutes ces semaines passées.

Où pourrais-je m'informer sur les facteurs qui influent sur la visibilité de loin ?

Merci

[lefevre.65]

Comme je l'ai écrit dans un petit article de Pyrénées Magazine il y a de nombreuses années, plusieurs paramètres conduisent à créer ou supprimer des visibilités exceptionnelles vers les pyrénées :

D'abord en air convectif où l'air est très limpide, les cumulus font vite écran . Ensuite la brume de basses couches en conditions anticycloniques, à moins de s'élever au-dessus de l'inversion de température au-dessus de laquelle on retrouve la sécheresse des masses d'air divergentes.

Cette brume en contre-jour diffuse la lumière solaire pour accentuer l'effet d'écran que l'on n'avait pas le matin ou le soir en éclairage latéral ,ce qui accentue encore les contrastes du relief .

Enfin le facteur améliorant fondamental est la présence d'un paresoleil idéal nuageux dont l'ombre se projette entre les pyrénées et nous pour éteindre l'effet diffusant de la brume devenue invisible.

Ces grands bancs nuageux peuvent être liés à l'approche d'une perturbation d'WSW à Sud, (nuages de foehn ) ce qui fait dire parfois à tort , qu'il va pleuvoir quand on voit les pyrénées. Mais ce sont souvent d' immenses nuages d'onde stationnaires parallèles à la chaîne sous le vent dans un flux très rapide de composante sud qui déclenche l'I.C.S. de l'étage supérieur, ce que j'ai appelé par boutade de l'anti-foehn, alors qu'au vent, côté espagnol le ciel reste dégagé. L'éclairage latéral du soir ou du matin vient évidemment renforcer cet effet pour nous faire voir des pointes de sommets derrière l'horizon .

Amitiés météorologiques et bonnes visis pour vos téléobjectifs .

[Jean-Louis]

Bonjour à tous. De retour aprés quelques jours au bord de l'Océan ou il faisait nettement plus frais que dans le chaudron toulousain.

 

Effectivement, depuis l'Aquitaine et Midi Pyrénées, la "lisibilité" des Pyrénées est un phénomène complexe, pas trés bien connu encore mais qui nous vaut parfois quelques spectacles grandioses.

 

Toulouse et sa région sont d'ailleurs parmi les mieux placés pour observer ces variations.

Je vous renverai aux travaux de J.P Vigneau, géographe à l'université Paul Sabatier Toulouse, qui a été l'un de mes instructeurs météo dans les années 70. Hélas ce monsieur sans doute à la retraite a quitté la région depuis longtemps mais ses travaux sur "le vent d'Autan d'Aquitaine Orientale" abordent longuement le comportement des flux au dessus des Pyrénées.

 

Pour répondre à Bermul, effectivement il sera bien placé à Colomiers pour observer les fameux trou de foëhn qui retardent ou nous épargnent même la pluie dans les flux plus ou moins perturbés de sud à sud ouest.

Il sera bien placé également lorsque ces flux parfois violents lui feront voir en ombres chinoises toute la chaîne de manière extrèmement rapprochée sur un fond de lenticulaires filtrant la lumière. Ce spectacle insolite et grandiose est principalement dû à la trés faible hygrométrie de l'air qui modifie la réfraction de la lumière et créant une illusion d'optique ( voir les radiosondages de Vigneau à ce sujet ).

 

Effectivement, la lisibilité des Pyrénées n'est pas synonime de pluie mais elle en est un indice possible; matérialisant toute amorce de sud à sud à sud ouest en altitude donc à tendance généralement dépressionnaire.

Mais le creux dépressionnaire peut stationner longuement par bloquage sur le Golfe de Gascogne limitant toute arrivée de front actif ou le "foëhnant".

Pour que cette vision des Pyrénées soit annonciatrice de pluie possible, il faut se retourner du côté de Bordeaux (ouest nord ouest). Si l'on apperçoit, dans cette direction, un ciel se chargeant et de plus en plus gris en altitude l'indice pluvieux va maintenant se confirmer par le débloquage en quelque sorte de cette dépression; le système perturbé associé se décalant alors vers l'est de la région. Mais si Bordeaux reste clair, les chances sont fortes pour que vous n'ayez que la vision des Pyrénées sans pluies à l'arrière...

 

Un trés trés vieux dicton confirme d'ailleurs cette observation en Occitan:

"Pyrénéos claros, Bordeus escur, Plejo de ségur !"

(Pyrénées claires, bordeaux obscur, la pluie à coup sûr !)

 

Pour terminer, bermul a observé que les Pyrénées devenaient visibles depuis peu sans changement notable de temps.

C'est tout simplement l'indice de la rotation du flux au sud ou sud ouest dont les températures en témoignent depuis hier samedi 2.

 

En tant que responsable en météorologie, ce seul indice d'apparition soudaine des pyrénées au coeur des vagues de froid me laissait présager immanquablement d'un tout proche réchauffement et me donnait la plupart du temps le "Top départ" de la disparition annoncée du verglas et de la neige sur les routes....

 

NB: Ce dimanche aprés midi, au nord de Toulouse, 39°6 à l'ombre.

Record battu.